Notes pour une allocution devant le Comité permament de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes
En ce qui concerne la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC)
Par l'honorable Jean-Pierre Plouffe
Commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications
Le jeudi 8 décembre 2016
L'allocution définitive fait foi
Le Président, honorables députés, je suis heureux de comparaître devant ce comité au sujet de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada (Loi). Je suis accompagné par Monsieur Bill Galbraith, directeur exécutif de mon bureau.
Avant de faire quelques remarques sur les activités réalisées en vertu de cette Loi, et puisque c'est ma première allocution devant ce comité, je vais décrire très brièvement mon mandat et le rôle de mon bureau.
Vous avez ma biographie, alors je ne m'attarderai pas là-dessus, mais j'aimerais souligner que mes décennies d'expérience en tant que juge m'ont été très utiles dans mon rôle de commissaire du CST, un rôle que j'assume depuis trois ans. La Loi sur la défense nationale, qui fixe le mandat de mon bureau et du CST, exige que le commissaire soit un juge à la retraite ou un juge surnuméraire d'une cour supérieure.
Le commissaire du CST est autonome et sans lien de dépendance avec le gouvernement. Mon bureau a son propre budget alloué par le Parlement. J'ai tous les pouvoirs en vertu de la partie II de la Loi sur les enquêtes, qui m'accorde un accès complet à toutes les installations, tous les fichiers, tous les systèmes et tous les membres du personnel du CST, et qui me confère le pouvoir d'assignation, au besoin.
Mon mandat est triple :
Premièrement : Je procède à des examens concernant les activités du CST pour en contrôler la légalité, y compris en ce qui concerne la protection de la vie privée. C'est là la plus grande partie du travail de mon bureau;
Deuxièmement : Je fais les enquêtes que j'estime nécessaires à la suite des plaintes qui me sont présentées. Les plaintes sont rares, ce qui reflète le fait que le travail du CST vise des cibles étrangères;
Troisièmement : J'ai le devoir d'informer le ministre de la Défense nationale et le procureur général du Canada de tous les cas où, à mon avis, le CST pourrait ne pas avoir agi en conformité avec la Loi.
Le rôle externe et indépendant du commissaire, axé sur le CST, est d'aider le ministre responsable du CST à rendre des comptes au Parlement au sujet de cet organisme. Mon rapport annuel, déposé au Parlement, décrit les résultats de mes examens.
Permettez-moi maintenant d'aborder la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada (Loi).
Je serai relativement bref. Je vous décrirai d'abord l'expérience de mon bureau en ce qui concerne la Loi, puis je ferai quelques brèves observations sur la Loi.
Tout d'abord, mon bureau, à titre d'institution fédérale, n'a jamais communiqué d'information en vertu de la Loi, et ne le fera probablement jamais selon toute vraisemblance.
Au cours de la première année où la Loi était en vigueur, l'organisme dont j'examine les activités, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) n'a pas reçu ni communiqué d'information en vertu de cette Loi.
Les examens que j'effectue du CST comprennent la communication de l'information avec des partenaires canadiens et internationaux. Je procède à des examens des activités du CST pour faire en sorte que la collecte et la communication de l'information s'y fassent dans le respect des lois, des instructions ministérielles et des politiques internes du CST. Je dois notamment veiller à ce qu'il existe des mesures satisfaisantes pour protéger la vie privée et à ce que ces mesures soient appliquées efficacement. Je continuerai de suivre de près si le CST reçoit ou communique de l'information conformément à la Loi.
Que le CST n'ait ni reçu ni communiqué d'information en vertu de la Loi démontre qu'à l'heure actuelle, les pouvoirs existants sont suffisants pour lui permettre de communiquer ou de divulguer de l'information à d'autres institutions fédérales.
Cette idée a été exposée de façon plus générale dans le rapport annuel du commissaire à la protection de la vie privée, M. Therrien, qui relevait, en s'appuyant sur un sondage mené par son bureau auprès des institutions fédérales au sujet des six premiers mois ayant suivi l'entrée en vigueur de la Loi, que seules cinq institutions avaient reçu ou communiqué de l'information conformément à la Loi. La plupart des institutions exercent des pouvoirs préexistants.
Je ne peux pas dire si le CST recevra ou communiquera de l'information en vertu de la Loi dans le futur, mais l'expérience passée donne à penser que s'il le fait, ce sera dans une faible mesure. Comme je l'ai mentionné précédemment, je continuerai de suivre de près si le CST reçoit ou communique de l'information conformément à la Loi.
En ce qui concerne la Loi à proprement parler, je souhaite formuler des commentaires sur trois points. Ces points ont également été soulevés par le commissaire à la protection de la vie privée au cours de son allocution devant ce comité, et dans l'ensemble, je partage son point de vue.
Le premier point concerne la question du seuil au-delà duquel l'information est communiquée. Dans la Loi, le seuil a trait à la pertinence : « si l'information se rapporte à la compétence ou aux attributions de l'institution destinataire » (paragraphe 5(1)).
Lorsqu'il s'agit de renseignements personnels, ce seuil devrait être plus élevé.
Le commissaire à la protection de la vie privée a suggéré la « nécessité », une norme internationale en matière de protection de la vie privée, en indiquant que la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité autorise le SCRS à recueillir, à analyser et à conserver les informations « dans la mesure strictement nécessaire ».
La Loi sur la défense nationale renferme un autre exemple. Dans la Loi sur la défense nationale, le seuil établi est celui du caractère essentiel. En substance, pour que le CST puisse utiliser et conserver une communication privée – où un des interlocuteurs se trouve au Canada – recueillie sous le régime d'une autorisation ministérielle, le CST doit établir si la communication privée est « essentielle ». J'examine ces communications pour m'assurer qu'elles sont essentielles et que l'information non essentielle a été détruite.
Le deuxième point relatif à la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada a trait aux mesures de protection de la vie privée. Étant donné que le CST n'a ni reçu ni communiqué d'information en vertu de la Loi, je n'ai pas d'expérience directe de la Loi à cet égard.
Je peux toutefois mentionner que la loi qui fixe le mandat du CST contient des mesures de protection de la vie privée. Ces mesures de protection exigent du CST qu'il se dote de mesures satisfaisantes pour protéger toute information ayant un intérêt en matière de vie privée qu'il peut recueillir, conserver et utiliser légalement. Je partage l'avis du commissaire à la protection de la vie privée selon lequel la Loi devrait comporter des mesures de protection quant aux renseignements personnels.
Le dernier point concerne les institutions fédérales qui figurent à l'annexe 3 de la Loi.
Des 17 institutions énumérées à l'annexe 3, seules 3 font l'objet d'une surveillance experte : le CST, dont j'examine les activités, le SCRS, dont les activités sont examinées par mes collègues du CSARS, et la GRC, dont les activités sont examinées par la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC.
Le commissaire à la protection de la vie privée a le mandat d'examiner les politiques et les pratiques concernant les renseignements personnels de toutes les institutions fédérales. Dans ce contexte, M. Therrien examine l'usage que font les institutions figurant à l'annexe 3 de la Loi et les mesures de protection de la vie privée.
Ce n'est toutefois pas suffisant. À mon avis, il existe un besoin de surveillance experte pour les 14 institutions qui ne font pas l'objet d'une surveillance experte à l'heure actuelle. Cette surveillance experte pourrait être exercée par un ou des nouveaux organismes de surveillance, ou elle pourrait être exercée par les organismes de surveillance experte existants, comme il avait été recommandé il y a dix ans dans le rapport de la commission d'enquête du juge O'Connor dans l'affaire Arar.
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement aura peut-être un rôle à jouer à cet égard. Le Comité devra établir ses priorités, et cette question pourrait être examinée. Je me réjouis de travailler étroitement avec le comité de parlementaires et son secrétariat
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui. Mon directeur exécutif et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
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